Depuis plus de vingt ans, la communauté du libre rêve d’un moment symbolique : voir Linux enfin percer sur le poste de travail. Pendant longtemps, cela semblait relever du mythe. L’arrêt de Windows XP n’avait rien changé. La fin de Windows 7 non plus. Mais cette fois, les choses bougent réellement.
Selon les données de StatCounter pour août 2025, Linux franchit la barre des 11,64 % de parts de marché en France, soit une progression spectaculaire en un an. Windows reste dominant avec 63,76 %, mais il recule fortement. Et fait marquant : Linux dépasse désormais macOS (5,88 %) et se positionne comme le deuxième système d’exploitation de bureau le plus utilisé en France.
Les chiffres : Windows recule, Linux progresse
La photographie du marché français en août 2025 est éloquente :

- Windows : 63,76 % (en recul notable)
- Linux : 11,64 % (en forte hausse)
- OS X : 9,53 %
- macOS : 5,88 %
- ChromeOS : 0,6 % (quasi inexistant)
Si certains peuvent être surpris par la coexistence de “OS X” et “macOS” dans les statistiques, il s’agit probablement d’une segmentation liée aux machines Intel d’un côté, ARM/Apple Silicon de l’autre. Mais la tendance reste limpide : Linux grimpe, Windows chute.
Pourquoi Linux progresse-t-il autant en 2025 ?
Plusieurs facteurs expliquent cette progression sans précédent.
Fin du support de Windows 10

En octobre 2025, Windows 10 ne sera plus officiellement supporté par Microsoft. Des millions de PC sont donc concernés par l’arrêt des mises à jour de sécurité. Beaucoup d’utilisateurs, entreprises comme particuliers, cherchent une alternative fiable sans être contraints de changer leur matériel.
Windows 11 trop exigeant
La transition vers Windows 11 est compliquée. Exigence du TPM 2.0, processeurs récents, contraintes matérielles… tout cela pousse une partie des utilisateurs à se détourner de Microsoft. Les “bidouilles” existent, mais elles rebutent le grand public.
Des distributions Linux accessibles
Aujourd’hui, Linux n’est plus réservé aux experts barbus. Des distributions comme Linux Mint, Ubuntu ou Zorin OS offrent une expérience simple, claire, et proche de ce que connaissent les utilisateurs de Windows. Pour une utilisation quotidienne – web, bureautique, multimédia, gaming – elles suffisent largement.

Le gaming comme moteur
Grâce à Steam et Proton, jouer sous Linux n’est plus un parcours du combattant. Une large partie du catalogue Windows fonctionne désormais sous Linux, et certains titres sont même optimisés. Cette évolution attire un public plus jeune.
Méfiance envers Microsoft

Vie privée, télémétrie intrusive, mises à jour forcées… Windows continue d’inquiéter. À l’inverse, Linux est perçu comme plus respectueux de la vie privée et de la liberté des utilisateurs. Dans un contexte de défiance croissante envers les GAFAM, cela joue un rôle majeur.
La France, pionnière de la souveraineté numérique ?
La progression de Linux en France n’est pas qu’un simple effet de mode. Elle s’inscrit dans une prise de conscience collective.
- La ville de Lyon a récemment officialisé une migration progressive vers Linux et des solutions libres.
- Des administrations, associations et collectivités s’y intéressent de plus en plus, notamment pour réduire leur dépendance aux GAFAM.
- Les écoles et universités commencent timidement à former sur le Libre, ce qui contribue à créer une nouvelle génération d’utilisateurs.
La France se distingue aussi par une sensibilité particulière à la souveraineté numérique. Choisir Linux, c’est à la fois un acte pragmatique et un geste patriotique : reprendre le contrôle de ses données et soutenir un écosystème indépendant.
Un chiffre à relativiser ?
Bien sûr, il faut rester prudent. Les données de StatCounter sont basées sur des mesures de trafic web, ce qui peut introduire des biais. Une vague inhabituelle de connexions depuis des machines Linux pourrait fausser temporairement les chiffres.
Mais même avec cette réserve, la tendance globale est incontestable : Linux attire de plus en plus d’utilisateurs, et pas seulement des passionnés.
Et demain : 15 % en 2026 ?
Peut-on imaginer Linux à 15 % de parts de marché l’an prochain ?
La barre est haute, mais pas irréaliste. Avec la fin de Windows 10 et la rigidité de Windows 11, la migration pourrait continuer. Plus d’utilisateurs signifie aussi plus de développeurs et plus de logiciels compatibles, ce qui renforcerait encore l’écosystème.
Évidemment, cette adoption plus large pourrait aussi attirer les cybercriminels. Linux, jusqu’ici relativement épargné par les malwares grand public, pourrait devenir une cible plus fréquente. Mais la solidité de son modèle de sécurité reste un atout.
Conclusion : une année charnière pour Linux
2025 restera peut-être dans l’histoire comme le vrai point de bascule du Linux Desktop.
Linux n’est plus un système marginal réservé à une élite technique. En France, il est désormais une alternative crédible pour les particuliers, les entreprises et les institutions.
Le chemin est encore long avant de rivaliser avec Windows, mais la dynamique est lancée. Plus qu’une mode, c’est une transformation profonde de notre rapport au numérique : moins de dépendance aux GAFAM, plus de liberté pour les utilisateurs.
Et si, finalement, l’année du “Linux Desktop” était bien arrivée… grâce à Microsoft ?