GNOME 48 est la toute dernière version de l’un des principaux environnements de bureau Linux. Pour les non-initiés, GNOME (acronyme de GNU Network Object Model Environment) est l’interface graphique complète qui permet de contrôler un système Linux : il gère les fenêtres, les menus, les icônes, et propose un ensemble d’applications par défaut pour une expérience utilisateur cohérente. GNOME est un projet libre et open source, piloté par une communauté internationale soutenue par la Fondation GNOME. Il équipe de nombreuses distributions (par exemple Fedora, Debian ou Ubuntu) et cohabite avec d’autres environnements populaires comme KDE Plasma ou XFCE, chacun proposant une approche différente du bureau Linux. Cette diversité des bureaux est une richesse de l’écosystème, offrant aux utilisateurs le choix de l’expérience qui leur convient, tout en partageant les valeurs du logiciel libre.

L’édition 48 de GNOME, publiée fin mars 2025, marque l’aboutissement de six mois de développement mené par la communauté. Baptisée « Bengaluru », en hommage à la ville hôte de GNOME Asia 2024, cette version illustre la portée mondiale et collaborative du projet. Au programme : des gains de performances bienvenus (notamment sur les machines modestes), un nouveau lecteur multimédia simple, un système de notifications repensé, une meilleure prise en charge des technologies d’affichage modernes (comme le HDR sur Wayland), une nouvelle police par défaut, des améliorations de l’accessibilité de GNOME (par exemple pour le lecteur d’écran Orca) ainsi que diverses retouches visuelles. Passons en revue ces nouveautés majeures de GNOME 48.
Performances en hausse sur matériel modeste
GNOME a parfois la réputation d’être exigeant en ressources, mais la version 48 apporte d’importants boosts de performances qui bénéficieront à tous, y compris aux PC plus anciens ou peu puissants. La principale avancée est l’introduction du triple buffering dynamique au niveau du gestionnaire d’affichage (Mutter). En pratique, cette technique améliore la fluidité des animations et des déplacements à l’écran en réduisant le nombre d’images perdues, rendant le bureau plus réactif et plus fluide lors des pics d’activité. Cette évolution, attendue de longue date par les développeurs, a fait l’objet de plusieurs années de tests avant d’être enfin intégrée.
D’autres optimisations viennent affiner les performances de GNOME 48. Le moteur JavaScript interne (utilisé par GNOME Shell) a été allégé, consommant moins de CPU et de mémoire pour les opérations courantes. L’indexation des fichiers a été améliorée pour utiliser moins de mémoire lors de la recherche dans de gros dossiers, avec à la clé une extraction plus rapide des métadonnées multimédia. Le gestionnaire de fichiers (Files/Nautilus) bénéficie de ces optimisations : l’affichage des dossiers contenant de nombreuses vignettes est jusqu’à 5 fois plus rapide et le défilement des aperçus jusqu’à 10 fois plus fluide d’après les tests menés. De plus, les utilisateurs disposant d’un écran branché sur une carte graphique dédiée verront une meilleure stabilité et réactivité du bureau. Enfin, les améliorations apportées à la bibliothèque GTK (sur laquelle reposent les applications GNOME) accélèrent l’ouverture et le redimensionnement des fenêtres. L’ensemble de ces changements se traduit par un GNOME 48 sensiblement plus véloce, comblant en partie l’écart avec des environnements réputés légers comme XFCE sur le terrain des performances.
Nouveau système de notifications « stacké »
GNOME 48 introduit un système de notifications repensé pour mieux organiser les alertes des applications. Désormais, les notifications provenant d’une même application se regroupent en piles (notification stacking), que l’on peut développer ou réduire à la demande. Ce regroupement automatique évite d’avoir une longue liste de notifications individuelles et permet de garder un centre de notifications clair et structuré. Par exemple, si vous recevez plusieurs messages successifs de votre client de messagerie, ils seront présentés sous une seule entrée groupée, qu’il suffit de cliquer pour voir le détail de chaque message.
GNOME 48 introduit le regroupement des notifications par application : ici, plusieurs notifications (musique en cours, messages, capture d’écran) sont empilées sous chaque en-tête d’application, rendant le panneau plus lisible. Ce nouveau système de notifications s’inscrit dans un effort continu d’amélioration de l’expérience utilisateur. Déjà, dans GNOME 47, des changements avaient amélioré la gestion des notifications interactives. GNOME 48 peaufine donc cette expérience en la rendant à la fois plus puissante et plus intuitive. L’implémentation évoque d’ailleurs ce qu’on peut voir sur d’autres plateformes (Android ou iOS) qui groupent les notifications par application pour plus de clarté. À noter que la fonctionnalité Ne pas déranger est toujours présente pour masquer temporairement les alertes, et reste facilement accessible en bas du panneau de notifications.
Un nouveau lecteur multimédia minimaliste

Le nouveau lecteur audio minimaliste de GNOME 48 (« Audio Player », nom de code Decibels) offre une interface épurée avec une visualisation de la forme d’onde du fichier en cours de lecture. GNOME 48 enrichit son écosystème applicatif avec un tout nouveau lecteur multimédia axé sur la simplicité. Surnommé “Audio Player” (ou Decibels), il s’agit d’une application minimaliste pour lire des fichiers audio individuels. Son interface est volontairement épurée : une onde sonore s’affiche pour visualiser le contenu du fichier audio, avec un curseur permettant de naviguer facilement dans une longue piste, et un bouton de lecture/pause bien en évidence. Le lecteur propose également un contrôle de la vitesse de lecture, pratique pour écouter des podcasts, des enregistrements ou des livres audio plus rapidement ou plus lentement.
Contrairement à des logiciels plus complets de gestion musicale (tel que Rhythmbox ou VLC), ce nouvel outil ne gère pas de bibliothèque musicale ni de listes de lecture : il se concentre uniquement sur la lecture ponctuelle de fichiers audio. Cette approche répond aux besoins des utilisateurs qui souhaitent simplement ouvrir un fichier son (par exemple un memo vocal, une interview ou un morceau isolé) sans avoir à importer toute une collection musicale. Audio Player comble ainsi un vide dans GNOME en offrant une solution légère pour le multimédia, complémentaire des applications existantes. On peut le comparer à Xfce Parole ou KDE Elisa dans l’esprit minimaliste, bien qu’il s’agisse ici uniquement d’audio. L’arrivée de ce lecteur illustre la philosophie GNOME : fournir des applications focalisées sur une tâche précise, avec une interface intuitive, au service de l’utilisateur.
Meilleure prise en charge du HDR et de Wayland
Les développeurs de GNOME travaillent activement à l’adoption des technologies d’affichage modernes, et la version 48 marque une étape importante avec le support initial du HDR (High Dynamic Range). Si vous disposez d’un écran HDR, GNOME peut désormais afficher des couleurs à grande gamme dynamique pour les applications qui le supportent, offrant des images plus éclatantes, avec de meilleurs contrastes et des lumières plus intenses. Cette première intégration du HDR se fait au niveau du système (sous Wayland) : une nouvelle option “High Dynamic Range” apparaît dans les paramètres d’affichage, qu’il suffit d’activer sur du matériel compatible. En activant ce mode, GNOME désactive le contrôle classique de luminosité de l’écran (car la luminosité est gérée différemment en HDR) et le remplace par un ajustement logiciel pour ne pas éblouir l’utilisateur. Le support HDR n’en est qu’à ses débuts sur Linux, et GNOME 48 pose ainsi les bases pour un avenir où de plus en plus d’applications et de contenus pourront en tirer parti.
Au-delà du HDR, GNOME 48 profite aussi des progrès de Wayland, le protocole d’affichage de nouvelle génération qui remplace progressivement X11. Un nouveau protocole de gestion des couleurs a été introduit, permettant un calibrage colorimétrique plus précis sous Wayland – une avancée essentielle pour les professionnels de l’image et les utilisateurs exigeants sur la fidélité des couleurs. Ces améliorations rapprochent GNOME de la parité fonctionnelle avec les environnements concurrents (KDE travaille également sur le HDR et la gestion colorimétrique sous Wayland). Les utilisateurs de GNOME 48 disposant d’écrans haut de gamme (haute définition, larges gammes de couleurs, HDR, hauts taux de rafraîchissement) bénéficieront donc d’une meilleure prise en charge de leur matériel, tandis que ceux sur matériel plus modeste profiteront comme vu plus haut d’un bureau plus léger et fluide. GNOME cherche ainsi à couvrir tout le spectre, des configurations modestes aux plus avancées, pour rester un bureau Linux polyvalent.
Nouvelle police par défaut : Adwaita Sans (et Mono)
Parmi les améliorations visuelles de GNOME 48, l’une des premières que l’on remarque (subtilement) est le changement de police de caractères par défaut. GNOME adopte désormais deux nouvelles polices conçues sur mesure : Adwaita Sans pour l’interface générale, et Adwaita Mono pour les textes à chasse fixe (typiquement dans le Terminal ou l’éditeur de texte). Ces fontes remplacent l’ancienne police Cantarell qui était utilisée depuis de nombreuses années. Le choix d’Adwaita Sans/Mono apporte plusieurs avantages : une lisibilité améliorée, notamment sur les écrans modernes à haute densité de pixels, une couverture de caractères beaucoup plus étendue (support de nombreuses langues et symboles), ainsi que la prise en charge de fonctionnalités typographiques avancées. Visuellement, la nouvelle police sans-serif offre un rendu plus propre et contemporain, contribuant à une interface harmonieuse et moderne.
Techniquement, Adwaita Sans est basée sur la célèbre police libre Inter de Rasmus Andersson, adaptée pour GNOME. De son côté, Adwaita Mono est dérivée de la police Iosevka, réputée pour son excellente lisibilité dans les terminaux. En s’appuyant sur ces projets libres de grande qualité, GNOME renforce son identité visuelle tout en restant fidèle à l’esprit du libre. Pour l’utilisateur, le changement est discret mais appréciable au quotidien : les textes des menus, fenêtres et applications gagnent en clarté, sans pour autant bouleverser l’apparence générale du bureau. À noter que si la police par défaut change, les utilisateurs avancés conservent la possibilité de personnaliser les polices du système s’ils le souhaitent, via l’outil Tweaks ou les paramètres d’accessibilité. En comparaison, d’autres environnements de bureau Linux comme KDE Plasma offrent également des polices par défaut soignées (Plasma utilise “Noto” par exemple), mais GNOME franchit ici un cap en optimisant sa typographie maison pour allier esthétique et inclusivité linguistique.
Accessibilité : Orca et le support de Wayland
L’accessibilité est un volet crucial sur lequel GNOME 48 apporte des progrès notables, en particulier pour les personnes malvoyantes ou non-voyantes. Le lecteur d’écran Orca, qui énonce le contenu à l’écran, fonctionne désormais beaucoup mieux sous la session Wayland (par défaut sur GNOME). Jusqu’à présent, certains raccourcis et fonctionnalités d’Orca étaient limités sous Wayland, ce qui obligeait les utilisateurs nécessitant des aides techniques à utiliser la session X11. Avec GNOME 48, les raccourcis clavier d’Orca opèrent correctement dans l’environnement Wayland, y compris l’utilisation de la touche Verr Maj (Caps Lock) comme modificateur spécifique d’Orca. C’est une avancée majeure pour rendre les technologies d’assistance pleinement utilisables sur GNOME sans configuration particulière. En clair, un utilisateur aveugle peut maintenant profiter de GNOME 48 “out of the box” en session Wayland, ce qui renforce l’accessibilité de GNOME et son inclusivité.
D’autres améliorations liées à l’accessibilité accompagnent cette version. Par exemple, le navigateur GNOME Web (Epiphany) en version Flatpak expose désormais correctement le contenu des pages aux lecteurs d’écran, une évolution importante pour la sécurité des utilisateurs aveugles. L’effort d’accessibilité se voit aussi dans les petites choses : GNOME 48 peaufine l’ergonomie générale pour tous, avec des interfaces plus claires, des icônes et textes bien contrastés, et la poursuite de son excellente prise en charge de l’internationalisation (GNOME est traduit dans de très nombreuses langues, et ces nouvelles polices à large couverture de caractères en sont le reflet). L’engagement de GNOME en faveur d’un bureau utilisable par chacun, quelle que soit sa situation, se poursuit donc avec cette version, aux côtés d’autres projets libres (KDE, Mate, etc.) qui partagent cette préoccupation d’accessibilité.
Finitions visuelles et autres nouveautés
Visuellement, GNOME 48 apporte quelques retouches subtiles qui contribuent à moderniser l’ensemble de l’interface tout en restant fidèles au style épuré du projet. La charte graphique Adwaita a été légèrement rafraîchie : les couleurs d’accentuation des interfaces ont été ajustées, et les contrôles (boutons, champs de texte) arborent des coins un peu plus arrondis qu’auparavant. De plus, les éléments de notification comme les bannières et toasts (petites alertes en surimpression) ont reçu un style revu pour une apparence plus cohérente. Ces changements discrets renforcent la sensation de polish de GNOME 48 sans casser les habitudes des utilisateurs. L’idée est d’offrir un bureau toujours plus moderne et agréable à l’œil, à l’image de ce que proposent d’autres environnements contemporains (on pense à KDE Plasma 5/6 qui affine régulièrement son thème Breeze, ou à l’esthétique soignée du bureau Deepin). GNOME maintient ainsi son identité visuelle distinctive tout en la faisant évoluer par petites touches.
Parmi les autres nouveautés notables, citons l’éditeur de texte par défaut (GNOME Text Editor) qui a été revu avec une interface simplifiée et un en-tête plus épuré. La fenêtre de propriétés du document affiche désormais le type de fichier et permet d’ajuster plus facilement la mise en forme automatique, et pour les développeurs, l’indicateur de position du curseur a été déplacé dans la zone d’édition pour plus de commodité. L’agenda (Calendrier) gagne enfin la gestion des fuseaux horaires pour les événements, très utile pour planifier des réunions internationales. L’application Cartes profite d’une modernisation de son interface (nouvelles animations et fenêtre d’édition des signets). Le système prend aussi en charge de nouveaux raccourcis clavier globaux que les applications peuvent définir (après permission) pour, par exemple, contrôler la lecture multimédia même si l’application n’a pas le focus. Enfin, une fonctionnalité de « bien-être numérique » fait son apparition dans les paramètres : elle permet de surveiller son temps d’écran, de se fixer des limites quotidiennes et d’afficher des rappels pour prendre des pauses régulières. Couplée à une nouvelle option de limitation de la charge batterie à 80 % pour prolonger la longévité des accumulateurs, cette version de GNOME se préoccupe autant de l’expérience utilisateur que de sa santé numérique et de l’impact matériel.
Conclusion : GNOME 48 et l’esprit du libre
GNOME 48 « Bengaluru » s’impose comme l’une des versions les plus abouties de l’environnement GNOME, réussissant à la fois à accroître les performances du bureau et à enrichir l’expérience utilisateur sur de multiples fronts (utilisabilité, esthétique, accessibilité). Le tout s’effectue dans un esprit de logiciel libre exemplaire : rappelons que GNOME est entièrement libre, son code source étant accessible et modifiable par tous selon les licences en vigueur. Cette ouverture permet à des développeurs du monde entier de collaborer, comme on le voit dans cette édition qui intègre des contributions variées (du nouveau lecteur audio aux améliorations du gestionnaire de fenêtres). GNOME 48 incarne donc le dynamisme de la communauté du libre, toujours en quête de solutions innovantes pour améliorer le bureau Linux.
En outre, GNOME 48 rappelle l’importance de la diversité des environnements de bureau Linux. Face à KDE Plasma, XFCE, Cinnamon, Mate et bien d’autres, GNOME continue de tracer sa voie avec une identité qui lui est propre : simplicité d’utilisation, intégration poussée entre les applications, et priorité à l’expérience utilisateur. Chaque environnement a ses atouts et ses choix de design, et cette concurrence saine stimule l’innovation. L’utilisateur final est le grand gagnant de cet écosystème riche : il peut choisir GNOME pour sa cohérence et ses progrès rapides, ou se tourner vers un autre bureau selon ses préférences, tout en restant dans le monde du libre.
GNOME 48 est d’ores et déjà disponible pour les curieux qui souhaitent le tester. Si vous utilisez une distribution GNU/Linux récente, vous pourrez en bénéficier via les mises à jour logicielles dès que votre distribution proposera les paquets officiels. Par exemple, Fedora 42, Ubuntu 24.04 et autres intègreront GNOME 48 dans leurs versions à venir. Les plus impatients peuvent également essayer GNOME OS (une image de démonstration officielle) dans une machine virtuelle via l’application GNOME Boxes. Quelle que soit la manière dont vous le découvrirez, GNOME 48 “Bengaluru” apporte un souffle de nouveauté bienvenu sur le bureau Linux, en restant fidèle aux principes du libre. Il ne vous reste plus qu’à l’explorer et à profiter de ses améliorations, en attendant les prochaines évolutions que la communauté GNOME ne manquera pas de nous offrir dans six mois !
Sources : GNOME Release Notes 48; article GoodTech.info; The Register; notes de version GNOME (gitlab.gnome.org).